HOMMAGE AU ROMANCERO: STEPHEN KING

Une fois n’est pas coutume, cet article est une infidélité aux auteurs auto-édités. Ils me le pardonneront, j’espère, si je leur dis que l’auteur en question est celui qui m’a accompagné tout au long de ma vie de lecteur et qui m’a inspiré l’envie d’écrire et de devenir auto-édité moi-même.

Monsieur Stephen King, puisque c’est de lui que je parle, est souvent cité du bout des dents par les élites littéraires, adeptes monomaniaques de la littérature blanche qui vomissent leur mépris dès qu’on parle de succès commerciaux et d’adaptations cinématographiques. Cette honteuse dépréciation snob a eu pour effet de rendre le « king » de l’épouvante lui-même honteux de son propre genre littéraire jusqu’à ses quarante ans.

Ce grand type aux bras et jambes désarticulés, les yeux dissimulés derrière des verres de lunette à l’épreuve des balles, est et restera une source d’inspiration et de plaisir plus grande et plus vaste que n’importe quel livre prétentieux, flanqué d’un prix littéraire ronflant, et posé bien en vue sur l’étagère poussiéreuse d’une bibliothèque de banlieue.

Il le dit lui-même, il y a trois sortes d’écrivains :

Ceux qui font de magnifiques phrases pour parler de peu de choses (Proust est un bon exemple), ceux qui font peu de phrases pour raconter de bonnes histoires et ceux, très rares, qui savent faire les deux en même temps (ici se trouvent les génies comme Hugo ou Shakespeare).

Il se place lui-même dans la 2e catégorie. J’ignore s’il fait preuve d’un excès de modestie ou s’il faut être d’accord avec lui. Je ne suis pas critique littéraire. Juste un petit chroniqueur qui parle de ce qu’il aime. Je sais cependant que Proust m’emmerde autant que King me passionne. J’ai donc rapidement choisi mon modèle. 😉

Je veux donc lui rendre ici un hommage bien mérité.

Pour ce faire, j’aborde son œuvre la plus imposante, la plus belle et également la plus méconnue du grand public :

La saga de la Tour Sombre.

Attention !

Ne mettez pas à l’épreuve ma patience légendaire avec un truc du genre « Ah oui ! Je connais. J’ai vu le film. »

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Cette sous-daube de la sous-histoire du cinéma aurait dû faire l’objet d’un enterrement civil dans une fosse commune avant la fin du visionnage de test. Je veux dire que quand, au cours d’un crash-test automobile, la voiture refuse obstinément de démarrer, c’est un signe que la mise en fabrication doit être oubliée, non ?

 

 

Non, ce cycle de huit livres ne peut être comparé aux pauvres 90 minutes de diarrhée digitale qu’Hollywood a eu le culot de nous infliger.

L’histoire

La Tour Sombre est un voyage. Celui de Roland de Gilead, le dernier des pistoleros à fouler le sol de l’entre-deux-mondes, une terre dévastée et à l’agonie dans un monde « qui a changé ». Au centre de tous les mondes, de toutes les dimensions et de tous les univers se trouve la tour sombre. Elle est le pivot qui maintient chaque élément en un tout. Sans elle, plus d’existence. Et à son sommet, qu’y a-t-il ? Qui vit dans la pièce située au dernier étage ? Dieu ? Ou le désespoir de l’absence et du vide ? Roland s’est mis en route pour le savoir et demander des comptes à cet occupant, s’il existe.

Le temps s’étire et se craquelle au point que Roland lui-même ne se souvient plus depuis quand il s’est lancé dans la quête de la tour. Mais au moment où commence cette saga, il sait que sa route passe par l’homme en noir. Mage puissant et retors, l’homme en noir est la clé qui mettra le pistolero sur la route de ce qui est devenu son obsession.

 

« L’homme en noir fuyait à travers le désert, et le pistolero le suivait. »

C’est la première phrase du premier tome nommé « Le pistolero ». Elle a été écrite, dans un de ces moments de fulgurance créatrice que nous pouvons tous avoir, sur une serviette en papier posée sur un coin de table. Quoi qu’il en soit, Stephen King a trouvé cette première phrase tellement bonne qu’il s’est senti obligé de continuer le roman allait derrière. Inspiré par le poème de Robert Browning « Le chevalier Roland s’en vint à la Tour noire », il a écrit « Le pistolero ». Ensuite, il l’a laissé prendre la poussière dans un tiroir pendant plusieurs années. L’écriture des sept autres tomes fut un processus laborieux et douloureux qui s’étala sur près de quatre décennies. Leur écriture fut retardée par les penchants malsains de l’auteur (drogue et alcool) et, étrangement, précipitée par l’accident de voiture qui faillit lui coûter la vie en 1999.

La Tour Sombre - Le Pistolero extrait 2

Impossible de résumer les huit tomes, je ne tenterai même pas l’expérience. Alors, à la place, je vais vous lister les cinq raisons pour lesquelles vous devriez vous embarquer dans l’épopée de la tour Sombre les yeux fermés :

Les cinq raisons de lire la Tour Sombre

Sa richesse

Stephen King n’a pas construit un univers comme on se plaît souvent à le dire dans la littérature de fiction ; il en a construit plusieurs. Des dizaines de mondes se croisent, s’entrecroisent et nous ramènent à des œuvres du King qui ne font pas partie de la saga : « Le fléau », « Ça », « Cœur perdus en Atlantis », « Insomnie », « Salem », « Les régulateurs », etc. Les références sont nombreuses et vont du simple clin d’œil à l’inclusion de personnages d’autres romans dans des rôles clés. Stephen King étant un auteur prolifique, cela fait une masse de références à repérer. Mais rassurez-vous, la lecture de tous ces ouvrages n’est pas du tout nécessaire à la bonne compréhension du récit. Au final, les experts de King comme les néophytes peuvent apprécier « La Tour Sombre ».

La tour sombre

Il détruit le 4e mur

Aussi étrange que cela puisse paraître, Stephen King a fait de lui-même un personnage de sa saga. Je ne suis, d’habitude, vraiment pas un adepte de la destruction du 4e mur. Au cinéma comme au théâtre, c’est souvent signe de fainéantise de la part des auteurs qui y voit un raccourci facile vers des explications vaseuses ou des ressorts comiques douteux.

Heureusement, ce n’est en rien le cas ici. Il fait de son métier d’écrivain un élément central du récit dans « Les loups de la Calla » et « Le chant de Suzannah ». Il se soumet à une autocritique vitriolée de ce qu’il était dans les années 1970, met son accident de la circulation en scène et lui donne un sens en le rattachant à sa fiction. Du grand art.

Les personnages

Difficile de parler des personnages de Roland, Jack, Eddie et Suzannah sans spoiler tout ou partie du voyage. Alors je vous ferai simplement part du sentiment de perte que j’ai ressenti les trois fois où j’ai terminé ces huit volumes. À chaque fois, j’ai vécu la fin du récit comme une séparation intime. Comme si quatre membres de ma famille proche venaient d’arriver dans « la clairière au bout du sentier ». C’est une vraie déchirure. C’est la raison pour laquelle, à la fin de ma troisième lecture, je m’étais promis qu’il n’y aurait pas de quatrième… jusqu’à il y a peu :).

La fin

Plus de 4000 pages pour y arriver, mais elle en vaut la peine 😉

La version audio enrichie

Enfin, et c’est la raison pour laquelle je reviens sur cette saga déjà vieille de 12 années : les versions audio des quatre premiers tomes sont désormais disponibles sur Audible. Magnifiquement lues par Jacques Frantz, la voix française de Robert De Niro, ces versions audio nous offrent un texte enrichi par l’auteur. Et pas qu’un peu !

Il faut comprendre que, quand quatre décennies séparent le premier tome du dernier, il y a forcément dans les derniers volumes des éléments auxquels l’auteur n’avait pas pensé quand il a écrit les premiers : des personnages qui se croisent, des événements du passé qui ont des répercussions bien plus tard, etc. Il en résultait, non pas des faux raccords ou des incohérences, mais une absence de liens là où il aurait pu y en avoir.

Avec ces versions audio, Stephen King rattrape les choses et rend ses textes encore plus riches qu’ils ne l’étaient au départ… et c’est un véritable régal !!! : D

Me voilà donc parti une quatrième fois sur le sentier de la tour avec Roland le pistolero et Stephen le romancero. Jamais lassé, jamais fatigué. J’espère vous avoir donné envie de vous lancer dans cette aventure. Le chemin est long, mais il en vaut la peine.

Si vous l’avez déjà lu, mettez-le en commentaire. Dites-moi ce que vous avez aimé, moins aimé et pourquoi.

Que vos journées soient longues et vos nuits plaisantes Saï 🙂

 

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